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23 May 2022
Nicolas Sehnaoui: Il y a encore une chance, ne la perdons pas


Nicolas Sehnaoui -

Ce dimanche 15 mai 2022 on a gagné les élections. Accusé de tous les maux, le Tayyar conserve son bloc parlementaire et en ce qui me concerne son siège à Beyrouth 1. Les ambassades sont perplexes.

Il y a de quoi être fier. Après deux années de révolution colorées, de médias déchainés, de mensonges répétés, de campagnes d’opprobres et de haines, de sanctions et d’appauvrissement. 10 milliards de dollars dépensés sur les dernières 10 années pour éroder sa popularité n’ont servis à rien. Non seulement on maintien notre siège parlementaire mais en plus on maintient notre score de 2018.

Il y a de quoi être fier. Fier de l’équipe du Tayyar qui a travaillé sans repos pendant les deux derniers mois, au Liban comme à l’étranger. Mais surtout fier de nos électeurs qui ont prouvé qu’ils méritent bel et bien le label « cha3b lebnen el 3azim » que le General leur a donné. Nos électeurs qui ont résisté à la pression du bullying et à l’appât du gain

Cette victoire ne doit pas nous faire oublier que le Liban et les Libanais sont épuisés et qu’ils affrontent collectivement et individuellement des difficultés quotidiennes pour maintenir le minimum requis pour survivre. A ces Libanais la, nous disons : vous êtes notre plus grande motivation pour continuer à nous battre et pour ne pas baisser les bras et capituler.

Elle ne doit pas nous faire oublier non plus qu’il faut arriver à la vérité et a la justice dans l’enquête de l’explosion du port de Beyrouth.

Elle ne doit pas nous faire oublier non plus qu’il faut trouver le moyen de récupérer l’argent volé, et rendre leurs droits aux déposants, des droits acquis pour la plupart après toute une vie de dur labeur.

Elle ne doit pas nous faire oublier non plus le plus grand de tous les défis, celui d’inventer des nouveaux mécanismes constitutionnels permettant au pouvoir politique a la tête de l’État de fonctionner et de prendre des décisions.

Enfin elle ne doit pas nous faire oublier que le Liban continue de traverser des tempêtes géopolitiques qui mettent en danger son existence. Je ne citerais ici quelques exemples ; le gaz et le pétrole, la stratégie de défense et les armes de la résistance, le plan de sauvetage financier, les réfugiés palestiniens et syriens.

Sur ce dernier point, il est significatif de remarquer au lendemain de ces élections que le nombre des électeurs libanais durant ces élections était inférieur au nombre de réfugiés syriens. De même qu’une grande partie des électeurs n’a pas sanctionné les partis chrétiens qui ont accepté l’afflux des réfugiés et qui ont refusé que le gouvernement libanais négocie leur retour avec les autorités syriennes. C’est comme si cette frange de la population adhérait à la narrative des médias et de la communauté internationale affirmant que les réfugiés syriens ne constituent pas danger immédiat pour le Liban. Or, même si on ommet les dangers démographiques et sécuritaires qu’ils constituent, les chiffres de la banque mondiale restent flagrants. Les réfugiés coutent 4.5 milliards de dollars annuellement au Liban, soit depuis 2011 un total de 49.5 milliards de dollars que la Liban a pratiquement assumé seul.

Aucun pays même parmi les plusriches n’aurait pu supporter une telle charge sans succomber à ce fardeau. Pour avoir une idée des proportions, imaginons un instant que la France accueille pendant 11 ans 20 millions de réfugiés Algériens.

Beaucoup de mes amis et certains membres de ma famille me demandent pourquoi je me suis représenté dans ces conditions difficiles. Pourquoi quand le statut de député qu’on est sensé porter comme une médaille est devenu un fardeau ? Pourquoi quand le salaire est devenu dérisoire ? Pourquoi risquer des campagnes d’opprobres ?

Eh bien, la réponse est simple. Nous n’avons pas plié face aux armées palestiniennes, syriennes et israéliennes. Nous ne plierons pas face à toutes les pressions du monde. Nous sommes les élèves du General Michel Aoun. Cette terre est la nôtre depuis plus de 2000 ans et nous ne la quitteront pas.

Enfin à tous les partisans de nos concurrents politiques j’adresse deux messages:

1- Il y a dans le monde et plus particulièrement dans notre pays deux manière de gérer les différences d’opinion, les urnes et la violence. Attention d’opter pour la deuxième sans envisager les conséquences catastrophiques que cela aura pour nous comme pour vous. Attention de vous laisser entrainer par des groupes et puissances qui n’attendent que cela pour que le Liban entre dans le chaos pour servir leurs propres intérêts mafieux, miliciens et géopolitiques.

Nous avons été la cible d’une campagne de bullying sans précédent. Cette méthode est tirée du guide des révolutions colorées et a été appliquée en même temps qu’au Liban simultanément dans cinq autres pays. Cette campagne nourrie par les télévisions essaie de convaincre les Libanais que nous ne représentons plus rien. Or les électeurs nous ont donné 21 députés soit le plus grand bloc parlementaire ce qui demontre notre représentativité. Nous ne demandons pas des excuses, mais de grâce arrêtez de mettre le pays au bord du gouffre de la violence. Nous avons tourné plusieurs fois la joue gauche. Soyez sûr que les prochaines fois il n’en sera pas de même.
2- Ni vous ni nous ne devons oublier que nous sommes tous partenaires dans ce pays et que s’il coule nous coulons avec lui. Nous nous devons donc de collaborer pour le sauver et pour le tirer vers le haut ensuite. Tournons la page et envisageons une collaboration efficace pour légiférer les reformes nécessaires et pour saisir les opportunités de changement lorsqu’elles se présentent. Le refus du dialogue avec les différentes composantes politiques qui tirent leur légitimité du peuple dérive soit d’une cécité criminelle soit du dictat de parties externes. Le refus de collaborer avec le CPL qui a présenté presque toute les lois anti-corruption et qui se bat pour l’audit juri-comptable est également injustifiable. Notre main est tendue, à vous de la saisir pour prouver à vos électeurs que vous êtes sincères.

Demain est un jour nouveau. Unis sur l’essentiel nous pouvons mieux résister aux tempêtes et ensemble nous pouvons reconstruire un Liban nouveau, cette fois sur des bases saines et solides. Ne perdons pas notre temps en mesquines querelles. Collaborons sans aprioris sans idées reçues, sans préjugés. Il y a encore une chance, ne la perdons pas.