Cette saisie opérée notamment sur des biens situés en France, en Allemagne et au Luxembourg vise entre autres le gouverneur de la Banque centrale du Liban, Riad Salamé.
Eurojust, organe européen de coordination de la lutte contre la criminalité organisée, a annoncé, lundi 28 mars, la saisie d’environ 120 millions d’euros d’actifs libanais dans différents pays européens, dont la France. Cet important gel d’avoirs fait suite à une enquête pour blanchiment d’argent visant cinq personnes dont le gouverneur de la Banque centrale du Liban, Riad Salamé.
Ces cinq suspects sont soupçonnés d’avoir « détourné des fonds publics au Liban pour des montants de plus de 330 millions de dollars [300 millions d’euros]et 5 millions d’euros, respectivement, entre 2002 et 2021 », a souligné, lundi 28 mars, l’agence européenne pour la coopération judiciaire (Eurojust) dans un communiqué. Des sources proches du dossier ont précisé à l’Agence France-Presse que ces cinq personnes étaient Riad Salamé et quatre membres de sa famille ou de son entourage.
Le 2 juillet 2021, le parquet financier français (PNF) avait ouvert une information judiciaire visant le riche patrimoine en Europe du responsable libanais, sur lequel pèsent les chefs d’accusations de blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs.
« Saisies d’ampleur »
Cible d’une série d’enquêtes judiciaires aussi bien au Liban qu’à l’étranger, Riad Salamé fait également l’objet de nouvelles accusations liées à un « enrichissement illicite » émises par une juge à Beyrouth, avait précisé une source judiciaire le 21 mars.
Le PNF a salué sur Twitter des « saisies d’ampleur » dans le cadre d’une information judiciaire qu’il avait ouverte pour des chefs de « blanchiment en bande organisée, d’association de malfaiteurs et de recel de délit commis notamment en France et au Liban ». Eurojust, qui a coordonné l’opération, n’a pour sa part pas donné d’informations sur l’identité des suspects, et insisté sur le fait que ces derniers sont « présumés innocents jusqu’à ce qu’ils aient été reconnus coupables ».
En France, les autorités ont saisi, vendredi 25 mars, deux ensembles immobiliers à Paris d’une valeur totale de 16 millions d’euros, a détaillé Eurojust. Il s’agit de deux appartements situés dans le 16e arrondissement de Paris, selon une source proche du dossier. Plusieurs comptes bancaires ont également été saisis en France (2,2 millions d’euros) et à Monaco (46 millions d’euros), ainsi qu’un immeuble à Bruxelles d’une valeur de 7 millions d’euros, a précisé Eurojust.
Les autorités judiciaires allemandes ont pour leur part saisi trois propriétés (une à Hambourg, deux à Munich). Des parts dans une société immobilière basée à Düsseldorf ont également été sécurisées. Outre les propriétés, valant actuellement environ 28 millions d’euros, d’autres actifs d’environ 7 millions d’euros ont été saisis dans toute l’Allemagne, a précisé Eurojust. Au Luxembourg, environ 11 millions d’euros ont été saisis sur plusieurs comptes bancaires, selon l’agence.
« Bouc émissaire »
La procédure judiciaire contre M. Salamé a pour point de départ les plaintes déposées en avril à Paris par la fondation suisse Accountability Now d’un côté et, de l’autre, l’ONG Sherpa et le « Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban », constitué d’épargnants spoliés dans la crise qui frappe le pays depuis 2019.
Alors que le Liban est confronté à une crise économique sans précédent, ce proche du clan de la famille Hariri est conspué par la rue, qui le soupçonne d’avoir, comme d’autres responsables du pays, transféré d’importantes sommes à l’étranger lors du soulèvement d’octobre 2019. Il s’en est défendu dans les médias, estimant être le « bouc émissaire » de la crise et affirmant avoir fait fructifier le patrimoine de 23 millions de dollars (19,5 millions d’euros) qu’il détenait en 1993 lors de sa prise de fonction à la tête de la banque centrale.
« Nous exercerons tous les recours utiles », a réagi lundi Me Pierre-Olivier Sur, l’avocat de M. Salamé en France.